Pourquoi j’achète des actions de la Société Générale…

“Nationalisation”, “faillite”… Voilà ce qu’on peut lire dans les forums boursiers.

C’est sûr, si mon PRU (prix de revient unitaire) de mes actions de la Société Générale était voisin de 30, après avoir accumulé patiemment pendant des années en y plaçant mes petites économies, je paniquerai sans doute aussi en me faisant des films catastrophiques…

Bon, ça tombe bien, je n’ai rien accumulé du tout pour le moment.

Il faut dire que les actions des sociétés financières, je les évite en général pour deux bonnes raisons:

Ces entreprises vivent à crédit. Tout est toujours basé sur un fort levier. Or, moi le levier, j’évite au maximum d’en abuser…

Estimer la valeur d’une banque est très difficile, puisqu’entre les actifs toxiques, les dérivés qui ne sont pas encore toxiques mais qui pourraient le devenir, tout ce qui circule dans les circuits du “shadow banking” et le fait que les pros de la magouille financières sont certainement les mieux placés pour faire apparaître dans leur bilan ce qu’ils veulent (enfin, dans une certaine mesure au moins), moi, petit particulier, je n’ai quasiment aucun moyen de tomber juste dans mes estimations et calculs.

Mais alors, pourquoi est-ce que je me lance là-dedans aujourd’hui ?

Parce que j’ai trois principes:

– “acheter au son du canon“, et là, c’est sûr, les canons résonnent tellement forts qu’on les entend même sur le mont Olympe…

– “acheter des valeurs massacrées par le marché, sous leur valeur intrinsèque“. Hum, difficile à dire puisque je ne peux savoir avec précision ce que vaut la Société Générale. Mais ce que je constate tout de même, c’est qu’il y a des agences un peu partout, qu’il y a des filiales un peu partout en Europe et que mine de rien, cette banque fait des bénéfices.

investir mes sous uniquement si je peux connaître mon risque et ma possibilité de gains à l’avance.

Je vais donc essayer de vous expliquer mon choix (qui, je le rappelle, n’engage que moi et mes sous, faites ce que vous voulez avec les vôtres mais prenez vos propres décisions), toujours dans un but pédagogique sur la manière de suivre une méthode plutôt que de conseiller telle ou telle valeur.

1. Se fixer des hypothèses

En gros, il y a trois grosses hypothèses à distinguer:

a) Rumeurs + spéculations excessives contre la Société Générale = prix actuel “trop bas”. La banque est certes exposée à la dette grecque, mais possède tout de même des atouts solides, à savoir des actifs bien plus importants que la dette grecque. Parallèlement, la Grèce fait défaut (mais le marché l’a déjà intégré plus ou moins dans les prix des actions bancaires) et l’Europe arrive à éviter, au moins quelques années, l’effet domino sur les PIIGS. Du coup, les actions des bancaires, et notamment de la Société Générale, vont remonter violemment.

b) Pas de chance. Rumeurs + spéculations + défaut de la Grèce + gros bordel politico-économique en Europe = dégringolade de la Société Générale, très bas. Allons-y dans le pessimisme, faillite ou nationalisation pour l’éviter ou tout autre magouille politico-financière qui fera que les actions vont frôler le zéro ou pas loin.

c) C’est le caca. La Société Générale tient le coup, tout comme le secteur bancaire européen, mais situation très tendue pendant des années. Les joyeux contribuables allemands, et français bien sûr aussi, paient une fois encore pour faire un massage cardiaque de plus au système financier. Ceci dit, entre taxes exceptionnelles et volonté politique réelle de museler les banques, les actions de la Société Générale baissent encore (jusqu’à 5 €), puis remontent péniblement à 10 €, et ainsi de suite pendant des années, avec l’espoir de revenir à des cours proches de 20 €.

d) Miracle ! On sauve la Grèce pour pas trop cher. On sauve les banques, et ça repart avec la croissance et tout ça. Le cours de la Société explose et frôle les 50 € d’ici quelques années, avant de se lancer à l’assaut des 100 €. Bon d’accord, je n’y crois pas trop. D’ailleurs, j’avais dit que je considérais 3 hypothèses majeures, et ça c’était la 4ème.

2. Repérer un secteur et une société présentant un potentiel intéressant

Si on part du principe que l’analyse financière sommaire que je suis capable de comprendre a un fond de vérité, la Société Générale est clairement sous-évaluée. Si on regarde notamment le “tangible book value per share”, qui représente la valeur “réelle” de chaque action si on prend les actifs et si on y soustrait les dettes. C’est le prix que vaudrait une entreprise si on la vendait au prix des murs et de ses autres possessions (actions, fonds d’investissements, etc). Bien sûr, là-dedans n’apparaît ni les actifs toxiques cachés ni les actifs “sûrs” (comme les dettes souveraines) qui ne le sont plus vraiment. Mais même si on considère que la Société Générale ne valait que la moitié de cette valeur officielle, ça donne encore 27 € par action…

Source: http://markets.ft.com/research/Markets/Tearsheets/Financials?s=GLE:PAR

D’autre part, la crise grecque (et de la dette) que nous vivons actuellement n’empêchera pas que l’on aura toujours besoin de banques au quotidien. A moins bien sûr de parier sur la fin du monde ou une révolution communiste bien sûr (encore que, dans ce dernier cas, il y aura encore des banques voire des actionnaires, il n’y a qu’à regarder les banques chinoises pour s’en convaincre…Mais en y pensant bien, la Chine est-elle vraiment un pays communiste ?). Mais revenons à nos moutons…

3. Rechercher un rapport gain/risque intéressant

Ah oui, c’est en fait le nerf de la guerre. Les points 1 et 2 ne sont que des hypothèses et des données difficilement vérifiables. Par contre, savoir combien je peux perdre et combien je peux gagner, ça c’est du concret !

Un petit graphique s’impose. (graphique 1200X800 pixels. Cliquez dessus pour l’agrandir)

Si je prend en compte mes hypothèses les pires, mon stop loss est égal à 0. Autrement dit, mon stop loss, c’est la faillite de la Société Générale !

Prenons comme entrée une valeur de 17 € par action. On peut aussi penser qu’il y aura une chute prochainement, peut-être vers les plus bas et rentrer sur 15 € par exemple, ou même moins. N’oublions pas que nous sommes sur des données hebdomadaires et qu’il peut se passer beaucoup de choses d’ici la fin de l’année.

Je me fixe 3 niveaux de sorties: à 28 € (sous une résistance), à 39 € (au retracement de Fibonacci de 23%, si on considère bien sûr que le point bas était à 14 € et accessoirement au milieu du range datant de 2010) et à 58 € pour un objectif de long terme qui consiste à considérer que la situation économique et financière mondiale se soit assaini, au moins pendant quelques temps, avec bien sûr quelques années de dividendes entre temps…

La moyenne de ces objectifs est donc de 41,66 €, ce qui nous donne un rapport gain/risque de (41,66-17)/17 = 1,45. Ce qui est trop faible d’après mes critères habituels.

Je prend dois donc entrer plus bas. Prenons un prix de 15 € par action. Cela nous donne un rapport gain/risque moyen de (41,66-15)/15 = 1,77. Ce qui est encore un peu faible, mais il faut tenir compte du fait qu’il s’agit d’un objectif sur quelques années et que la Société Générale versera des dividendes entre temps (sauf bien sûr en cas de désastre).

Normalement, je ne prendrais pas ce trade, à cause d’un rapport inférieur à 2, mais n’oublions pas que j’ai choisi l’hypothèse d’un stop déclenché sur faillite totale, ce qui me semble tout de même un cas extrême et peu probable.

Cependant, quand on pense à d’autres cas (Fortis par exemple…), où la valeur a dégringolé jusqu’à 0,57 € (voir ici pour la petite et triste histoire de Fortis http://fr.wikipedia.org/wiki/Ageas ), cela n’est pas exclu même si en général, il reste toujours des miettes pour les malheureux actionnaires. Ce qui signifie que le “stop loss” sur une valeur de 0 est certainement exagéré, même s’il est proche d’une réalité possible…

4. Obtenir une confirmation de l’analyse technique

En données hebdomadaires, l’analyse technique ne me dit rien de spécial. Il n’y a que 3 indices pour un rebond:

– il y a une divergence du CCI (la petite barre verte juste sous les cours).

– le RSI(14) dans la zone de “survente”. Or, sur une durée hebdomadaire, cela signifie souvent un rebond prochain, au moins provisoire.

– nous sommes sur un support mensuel.

En données quotidiennes, c’est un peu mieux.

– divergence sur OBV, ce qui pour moi est un signe important : les acheteurs reprennent la main. Cependant, la divergence n’est pas très prononcée…

– petite divergence sur RSI, avec sortie de la zone de survente

– Rebond sur support mensuel

(graphique 1200X800 pixels. Cliquez dessus pour agrandir)

 

Cela me donne les paramètres d’un trade sur cette périodicité (avec une entrée sur 17,35 €):

– un stop loss sous les derniers plus bas (disons 14 €, 19,3% de pertes)

– une première cible sur 20 € (15% de gains)

– une seconde cible sur 28 € (61,4% de gains)

soit une cible moyenne de 24 € (38,3% de gains).

Cela nous donne un rapport gain risque de (24-17,35)/(17,35-14) = 1,99. Ce qui est correct.

5. Je fixe clairement les conditions de mon trade

J’ai donc le choix entre deux types de trades. L’un sur du moyen/long terme basé sur des données hebdomadaires et l’autre sur du court/moyen terme, basé sur des données quotidiennes.

On peut très choisir un des deux trades. Je déconseille les deux en même temps sur la même valeur, car d’une part cela devient peu clair au niveau des PRU qui se croisent, et d’autre part on se “surexpose” à la même valeur.

Dans les deux cas, il faut être clair avec soi en fixant d’emblée les stop loss et les ordres profits, sans plus y toucher par la suite ! Sauf éventuellement en remontant le stop loss à l’entrée lorsque la première cible est touchée…

Et ensuite, il faut attendre…

Conclusion

J’espère que vous l’aurez compris, cet article n’a ni pour but de vous donner le trade du siècle ni de me lancer dans des prévisions dans le but de montrer à quel point je suis balèze en analyse technique (si le trade est gagnant; et s’il est perdant, de toute manière vous l’aurez déjà oublié d’ici quelques jours, et je pourrais toujours dire, “pas de chance, mais ça arrive en trading”) et encore moins de vous convaincre que cette stratégie est meilleure qu’une autre.

Non, mon but c’est de vous (re)dire que ce qui compte, ce n’est pas la “rumeur” du moment ou le “feeling” que vous avez sur telle ou telle entreprise, non. Ce qui compte c’est que vous suiviez VOTRE plan de trading, en sachant à chaque instant ce que vous risquez et ce que vous pouvez gagner… Le tout sans états d’âme. Quel que soit le résultat d’un trade, on passe aussitôt au suivant.

Bons investissements !

 

PS: je répète encore ici que cet article n’engage que moi et ne constitue pas un conseil pour acheter des actions de la Société Générale. Souvenez vous que tous les investissements sont risqués…

 

6 Commentaires

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  1. Bon, vu l’évolution des cours, mon stop de protection remonté sur l’entrée ayant sauté, je me contenterai de l’objectif 1 sur 20 € avec ses 15% de gains. Ca reste très correct vu la faible durée du trade.

    L’analyse long terme reste valable, mais bien sûr avec un risque très limité, nous sommes dans la spéculation sur ce genre de valeurs…:o)

    1. En ce qui concerne le trade en hebdo (celui en quotidien étant sortie sur Stop après atteinte de l’objectif 1), la question qu’on peut se poser maintenant, c’est est-ce que prendre près de 30% de gains en quelques jours est plus intéressant que la POSSIBILITE de prendre PEUT-ETRE près de 90% sur l’objectif 1 à 28 € en quelques semaines/mois/années ? Et EVENTUELLEMENT près de 150% en quelques mois/années ?

      Cruelle question. La réponse dépend de deux choses:
      – son style de trading (long terme/court terme)
      – la manière dont on conçoit la mise en place d’un trade (je place et je n’y touche plus ou bien j’accepte de m’adapter en fonction des événements…)

      Cruelle question à laquelle je laisse chacun de trouver SA réponse. Personnellement, j’ai la mienne :o)

    2. Il y a toute une étude préalable en effet à faire. Mais le tout est de savoir comment. Merci pour ces explications très fournies.

    3. C’est certainement un très bon investissement à long terme, mais il faut être vigilant sur les fluctuations possibles.

  2. le probleme c’est d’avoir le courage de faire toute l’analyse que vous avez faîte avant d’investir sur cette valeur. D’ailleurs on est sur une analyse qui pourrait très bien figurer dans les différents quotidiens financiers. N’ayant pas ce courage je reste sur des placements plus simples comme l’immobilier ou les livrets.

    1. Merci pour les compliments. A partir du moment où l’on souhaite gagner de l’argent avec des investissements, il faut de toute manière avoir un peu de courage. L’immobilier peut être un piège si on ne se renseigne pas correctement. Et quand aux livrets, peut-on vraiment parler d’investissement ?
      Et oui “there is no free lunch!”

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