Le cas Volkswagen

VOW crash

(image (c) Volkswagen)

 

Même quand tout semble calme (enfin, en dehors de la crise grecque, la crise du pétrole, la crise de la dette, la crise des prêts étudiants US, la crise des migrants, et quelques autres), le monde de la Bourse nous offre toujours quelques rebondissements inattendus.

Mieux que les épisodes de Dallas ou de Plus belle la vie, presque aussi incroyables qu’un bon vieux X-Files ou qu’un Sense 8 pour être plus moderne, la Bourse connait régulièrement des événements tellement incroyables qu’ils en deviennent parfois banals.

Après Tesco dont le management se “trompe” dans le bilan, après BP qui génère une marée noire, la BNP qui viole les règles des embargos financiers décrétés par les USA, nous avons Volkswagen qui triche sur les contrôles antipollution !

Oui, vous avez bien lu, le géant allemand de l’industrie automobile, celui dont le nom même est le symbole d’un peuple, celui qui vient du pays de l’écologie appliquée, a installé un logiciel dans ses voitures pour adapter le fonctionnement du moteur aux tests !

Cela signifie que cette société a commis deux crimes d’honneur pour un allemand : tricher dans le monde de l’industrie (la qualité et le sérieux dans l’industrie allemande est une marque de fabrique) et contribuer à la pollution mondiale avec des gros diesels (tout en faisant croire que non, eux étaient respectueusement propres !).

En d’autres temps, il y aurait déjà des têtes accrochées sur des piques, mais dans notre Europe du XXI ème siècle, cela ne se produit plus (enfin, j’ai crû comprendre qu’il y avait de temps à autres des conflits dans l’Est où il se passe des choses pas très élégantes, mais c’est un autre sujet).

Non, de nos jours, il y a une sanction pire, qui est résumée sur ce schéma :

VOW_23-9-2015

Cinq ans de gains boursiers évaporés. Bon d’accord, la moitié était déjà partie en fumée en cette année 2015 qui semble délicate depuis le mois de mai. Mais d’environ 25/30 milliards depuis deux jours (suivant l’heure où l’on fait ses comptes). Entre le début de l’écriture de cet article et la fin, il y a eu déjà de fortes variations de plus de 10% (on ne parle pas d’une obscure nanocap, mais bien du 2ème constructeur automobile mondial…)

Un C.V. de qualité

Le groupe Volkswagen est le propriétaire de plusieurs grandes marques automobiles, et non des moindres: Porsche, Audi, Skoda et Seat !

Sur le site du groupe, on trouve ce joli schéma qui résume bien son importance:

VOW marques

On peut aussi trouver une liste complète des participations du groupe ici: http://www.volkswagenag.com/content/vwcorp/info_center/de/publications/2015/03/Anteilsbesitz.bin.html/binarystorageitem/file/Anteilsbesitz+VW+AG++31.12.2014_deutsch.pdf

(La colonne “Höhe des Anteils der VW AG am Kapital in %” représente le pourcentage de participation de VW – souvent de 100% d’ailleurs)

Bref, pour rester simple, c’est de la belle bête…

Ses bénéfices nets sont largement au-dessus de ceux de ses concurrents. (Notez au passage que la capitalisation boursière de Volkswagen vient de passer sous celle de Daimler, qui fait fait pourtant plus de 20% de bénéfices en moins, pour un endettement proportionnellement légèrement supérieur).

VOW net income 2015

Que le scandale éclate justement aux USA n’est pas si étonnant… VW tente de s’y implanter, mais reste encore très minoritaire, même si 2% du marché US, ce n’est pas rien:

VOW US Market share 2015

Les amendes possibles sont gigantesques, de l’ordre de 18 milliards de dollars ! Cependant, il faut nuancer. Ce chiffre provient de l’amende pouvant aller jusqu’à 37 500 $ par véhicule (480 000 voitures vendues depuis 2009 aux USA). Cependant, il semblerait d’une part que cette législation ne soit pas appliquées par tous les états des USA et d’autre part, que dans des cas comme ceux-ci, il y ait généralement un arrangement plus rapide (et moins coûteux) qui soit trouvé.

Malheureusement, on il faut aussi compter les frais de rappel de ces véhicules, les “class actions” lancés par certains clients flairant la bonne affaire ou simplement réellement choqués par l’idée d’avoir été responsables à l’insu de leur plein gré d’une pollution outrancière (bon, si on pense au fait que les USA sont les champions des 4×4 hyperpolluants, ce n’est pas la “petite” tricherie aux tests de Volkswagen qui va changer l’impact environnemental désastreux qu’a ce beau grand pays industrialisé…).

Et surtout, surtout… S’ils ont trichés aux USA, pourquoi ne l’auraient-ils pas faits ailleurs ?

Effectivement, si en France, où ces voitures ont bénéficié de primes écologiques, ou ailleurs dans le monde, on se rend compte que des dizaines de procès d’ampleur sont intentés, cela peut réellement faire mal ! Cependant, les normes ne sont pas les mêmes, notamment en ce qui concerne la quantité de Nox rejetée qui est incriminé dans cette affaire.

Et je ne parle pas du déficit permanent dans l’image du groupe. Qui a triché une fois (et qui s’est fait prendre surtout !) peut recommencer.

Je ne doute pas que l’Etat allemand, pourtant relativement peu interventionniste en ce qui concerne la sphère économique privée, prenne les choses en main, en concert avec les hauts dirigeants de VW. Il est fort à parier que les responsables seront identifiés, et qu’une nouvelle équipe va prendre le relais, tout en s’outrant et en s’excusant pour les erreurs commises, et que cela ne se reproduira plus.

Une entreprise profitable comme VW, qui voit sa valorisation boursière s’effondrer rapidement représente une bonne opportunité. Une fois que la panique, la rumeur et les angoisses se sont tassées, tout reprend son cours, et les investisseurs ne comprennent pas comment ils ont pu laisser passer un telle affaire à des prix beaucoup plus bas. Ceux qui ont acheté dans la tourmente se frottent les mains et comptent leurs bénéfices en dizaines voir centaines de pourcents.

Le risque

Les faiblesses du dossier VW sont multiples:

  • l’affaire étant très récente, rien ne dit qu’une série de cadavres ne viendront pas encore au grand jour
  • la guerre commerciale mondiale entre géants de l’automobile existe bel et bien. Quelle belle occasion d’abattre un puissant ennemi…
  • le secteur automobile a-t-il un réel avenir à long terme ? On parle des marchés émergents et des chinois qui veulent tous posséder un véhicule. Certes, mais si tel était le cas, je ne doute pas que j’investirais plutôt dans les fabricants de masque à oxygène et de bunker à air filtré ! Évidemment, les technologies propres ont encore du potentiel et des inventions futures à nous offrir…

D’un autre côté, les arguments en faveur de VW sont également très valables:

  • L’Etat allemand n’abandonnera pas un de ses fleurons industriel mondial. Too big to fail, certainement.
  • Même avec des amendes et frais gigantesque de l’ordre de 20 ou 30 milliards, cela ne représentera “que” 2 ou 3 ans des bénéfices (actuels, certes).
  • S’il s’avère que d’autres ont triché, la faute sera relativisée et partagée…
  • Bon, les moteurs diesel sont plus polluants que prévus. Et alors ? On a beau dire que l’écologie, c’est important, mais j’attends toujours de voir une vraie politique environnementale mondiale… Et même si toutes les règles durcissaient et que l’Europe (et les USA…) voulaient asséner un grand coup dans leurs constructeurs nationaux et rendre obligatoire les voitures non polluantes, je parie davantage sur des groupes comme VW (et sur l’Allemagne) que sur Peugeot (et la France) pour dominer le marché mondial (ou du moins européen)

Que pourrait faire un investisseur particulier ?

Si on souhaite profiter de la baisse actuelle, on pourrait envisager d’entrer sur l’action VW, en respectant ses règles de diversification, et en ayant bien conscience de l’impossibilité à prévoir jusqu’où le prix va chuter.

A l’instant où j’écris ces lignes, un rebond de plus de 4% a lieu, après une ouverture en forte baisse, vers un peu plus de 95 €, sous la barre psychologique des 100 euros donc (et aussi vers les plus bas de 2011), mais encore bien au-dessus des plus bas de 2008 (vers 31 €). Que ceux qui se réjouissent déjà de voir le prix remonter après les baisses très violentes de ces deux derniers jours, il est rare de voir une seule chute sans répliques par la suite, surtout quand on ne connait encore pas grand chose de la véritable ampleur des frais ! Il est tout à fait possible que les prix rechutent d’ici quelques jours/semaines/mois. Surtout que l’environnement boursier mondial n’est pas des plus favorables et que les indices peuvent très bien encore corriger violemment.

VOW 2008-2015

Un investissement progressif parait donc être une solution sage pour l’investisseur (mais pas forcément pour le trader !).

On pourrait choisir comme paliers d’achats:

  • la zone des 100 €
  • tous les 20 € jusqu’à 20.

Dans le “pire” des cas, on aura 5 achats, avec un PRU de 60 € (et un peu meilleur si on achète une somme fixe, augmentant mécaniquement le nombre d’actions lorsque les prix sont bas).

Un investissement d’1% de son portefeuille peut être raisonnable (donc au maximum 5%).

Bien sûr, on peut aussi fouiller dans les équipementiers rentables, qui eux n’y sont pour rien, mais dont les prix ont baissé de concert avec l’ensemble du secteur.

Quoiqu’il en soit, ce genre de situation peut souvent s’avérer rentable pour l’investisseur à long terme, qui sait ce qu’il achète, pourquoi et qui prévoit quand il vendra et pourquoi

EDIT du 30/09/2015: Les valeurs indiquées ne le sont qu’à titre d’exemple cohérent.  Si on veut investir réellement, il vaut mieux bien prendre conscience que les chiffres actuels peuvent encore varier fortement. Par exemple, le total d’espèces par action actuel est de l’ordre de 58 €. Si on prend une marge de sécurité raisonnable pour prendre en compte les frais et amendes à venir, et la perte d’image (et donc les bénéfices futurs), il faudrait facilement descendre vers 30 € par action. Évidemment, il est simpliste de ne réduire Volkswagen qu’à des usines et de l’argent en caisse. Il est donc difficile d’estimer précisément une valorisation “réelle”. C’est pourquoi, il est important de se fixer des paliers d’achats, tout en sachant très bien que cela laisse une grande marge d’erreur et que RIEN n’empêche l’action de reperdre encore 50 % ou plus. Rien non plus n’empêche l’action de descendre encore un peu, et de marquer un plus bas à des niveaux de prix proches de ceux du jour… Savoir ce qu’on achète, pourquoi et prévoir quand on vendra et pourquoi

 

Disclaimer: cet article ne constitue pas un conseil d’achat. L’exemple de Volkswagen est utilisé dans un but purement pédagogique. Chaque investisseur est responsable de ses propres choix financiers.

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